SAINT THIERRY, ABBÉ DU MONT-D’OR
AU DIOCÈSE DE REIMS
LES PETITS BOLANDISTES
633. — Pape : Jean II. — Roi de France : Childebert Ier.
Religiosi mundo sunt mortui, eorumque in cœlo est cum angelis conversatio.
Les religieux sont morts au monde et leur conversation est dans le ciel avec les anges.
B. Alan, de Rupe, term. xxxi de Excell. Relig.
Dieu, qui tire la rose d’un bouton environné d’épines, et qui fait naître les plus beaux fruits d’une terre boueuse et couverte de fumier, fit aussi naître cet excellent religieux d’un père de très-basse condition, et qui se rendait encore plus digne de mépris par les vices auxquels il était adonné, car c’était un pauvre paysan nommé Marquard, du village de Ménancourt, sur la rivière de Suippe, auprès de Reims, qui, au lieu de gagner sa vie par les exercices innocents de la vie champêtre, entretenait sa famille par les vols qu’il faisait dans les bois et aux environs de son village. A peine Thierry fut-il sorti d’une si mauvaise tige, qu’on vit, par un grand miracle, quelles devaient être un jour son innocence et la pureté de son âme. Le puits dans lequel on lavait les draps et les langes qui servaient à l’envelopper ne contracta plus aucune souillure, quoiqu’il demeurât ouvert comme de coutume et qu’on ne mît rien dessus pour le fermer. Flodoard, qui vivait plus de quatre cents ans après lui, assure que cette merveille subsistait encore de son temps.
La mère de notre saint enfant, qui n’avait pas l’âme si mauvaise que son père, prit quelque soin de le faire instruire dans les petites écoles ; il y fit encore plus de progrès dans la vertu que dans la lecture et dans l’écriture. Quand il eut l’âge requis, ses parents l’obligèrent de se marier. Il résolut néanmoins de conserver inviolablement, dans cet état, sa virginité comme un trésor auquel tous les biens du monde ne sont pas comparables. Il eut de grandes difficultés à vaincre, car sa femme, lorsqu’il lui eut communiqué son dessein, en fut très-irritée ; elle crut que son mari manquait d’affection pour elle. Thierry, ne sachant comment la gagner, va à Reims trouver une sainte abbesse, nommée Suzanne, qui, sous la conduite et l’autorité de saint Remi, archevêque du lieu, gouvernait une communauté de saintes filles dans un célèbre monastère de la ville ; il se jette à ses pieds, lui ouvre les secrets de son cœur et la prie de l’assister de ses sages conseils et de ses prières dans une conjoncture si épineuse. La sainte dame le reçut avec beaucoup de bonté, et après avoir fait son possible pour le consoler dans sa peine, elle lui conseilla de s’adresser au saint prélat, qui ne manquerait pas de lui marquer les voies les plus justes et les plus assurées pour réussir dans son pieux dessein. Thierry, qui avait déjà reçu de salutaires instructions de saint Remi, et qui le regardait comme un parfait modèle de sainteté, le vint trouver aussitôt et lui découvrit toutes ses intentions.
Le saint Archevêque, qui savait que le mariage qu’il venait de contracter lui ôtait la liberté de vivre dans le célibat, sans le consentement de sa femme, lui ordonna de l’aller retrouver, de lui représenter la couronne immortelle que le Roi du ciel et de la terre promet à ceux qui ont assez de courage pour conserver leur pureté au milieu de la corruption du siècle, et de lui faire entendre que le vœu de virginité est l’hommage du chrétien le plus glorieux à Dieu et la vertu la plus agréable aux anges. Thierry obéit aux ordres de son pasteur et retourne auprès de sa femme : autant elle avait paru invincible et indignée aux premières paroles qu’il lui avait portées sur son dessein, autant elle fit voir de douceur et de condescendance à cette seconde visite ; son esprit commença à se convaincre et son cœur à s’attendrir en voyant le zèle de son époux ; et, se laissant enfin aller à ses touchantes persuasions, elle l’assura, qu’à son imitation, elle ne voulait plus avoir d’amour que pour Jésus-Christ ; de sorte que, dès ce moment, elle lui consacra aussi pour jamais sa virginité. Son généreux époux lui témoigna la joie qu’il ressentait d’un changement si inespéré ; et après lui avoir donné le baiser de paix, il se retira d’auprès d’elle, pour éviter toute occasion de faiblesse ou d’inconstance.
Il ne restait plus à notre Saint que de trouver un lieu solitaire pour y passer le reste de ses jours dans la contemplation des choses célestes. Il retourna donc à Reims, où, d’abord, il s’adressa encore à la sainte abbesse Suzanne, qui, par les exemples sensibles de sa haute piété et par ses discours édifiants, l’encouragea de nouveau à l’étude de la perfection et à l’accomplissement du grand désir qu’il avait de se séparer tout à fait du monde. II vint aussi retrouver saint Remi, qui, voyant les bonnes dispositions de son cœur, outre les salutaires instructions qu’il lui donna pour la conduite de son intérieur, voulut encore le faire étudier, et l’honorer ensuite de l’auguste dignité du sacerdoce: Thierry y répondit avec tant de force, qu’en peu de temps il fit des progrès considérables dans la science et dans les vertus les plus conformes à ce caractère. Aussi le saint archevêque, qui ne pensait qu’à faire fleurir le Christianisme dans son diocèse, jeta les yeux sur ce grand serviteur de Dieu pour lui confier le soin d’un monastère de religieux qu’il avait dessein d’établir dans une petite forêt, sur une montagne nommée le Mont-d’Or, assez proche de Reims. Un jour qu’il l’envoya en ce lieu, avec la sainte abbesse Suzanne, pour reconnaître l’endroit le plus propice à cet édifice, un aigle descendit miraculeusement du ciel, et, s’arrêtant dans un petit espace de la forêt, il voltigea autour un temps assez considérable, sans jamais s’en écarter, pour donner à connaître que Dieu, qui avait inspiré au saint Prélat le dessein de cet établissement, voulait aussi déterminer le lieu de sa situation et comme en marquer le plan. Et afin que ce miracle ne passât pas pour une vision chimérique, ni pour un effet du hasard, les quatre années suivantes on vit, au jour de la Nativité de Notre-Seigneur, un semblable oiseau voltiger tout autour et sur toute l’étendue du monastère, que le saint archevêque dédia depuis en l’honneur de saint Barthélemy.
Saint Thierry ne se vit pas plus tôt en possession de cette abbaye naissante, dont il fut le premier religieux, qu’il fit paraître les fruits de son zèle et de son éminente sainteté. Car, suivant les mouvements de la charité de Jésus- Christ qui le pressait, il allait dans tous les lieux d’alentour pour y prêcher l’Evangile et pour y instruire le peuple des plus importantes maximes du Christianisme ; il gagna de la sorte beaucoup d’âmes à Dieu. Il est vrai que plusieurs des pénitents se contentèrent de se remettre dans le vrai chemin de la vertu, dont ils s’étaient dévoyés ; mais les autres, animés du désir d’une plus haute perfection et d’une grande austérité, résolurent de quitter leurs maisons et leurs familles, de renoncer aux richesses et à toutes les grandeurs de la terre, pour suivre un si généreux capitaine et passer le reste de leurs jours à combattre la chair et le démon sous ses glorieux étendards. On remarque, entre autres, saint Théodulphe, autrement Thion, d’une naissance fort illustre, qui, après avoir imité ses vertus et passé plusieurs années dans une parfaite mortification, fut trouvé digne d’être son deuxième successeur dans le gouvernement de son abbaye. Mais la plus fameuse conquête de notre saint Abbé fut celle de son propre père. Il lui toucha si vivement le cœur par ses prières, par les larmes et par la force de ses remontrances, qu’il le gagna tout à fait à Dieu, et lui donna même, à sa prière, le saint habit de religieux dans son monastère, afin que, dans le peu de temps qu’il lui restait à vivre, il pût faire quelque chose pour l’expiation de ses crimes. Ainsi ce vieillard, déjà caduc, de voleur qu’il était auparavant devint un parfait pénitent, d’un homme débauché un saint religieux, et d’un esclave du démon un véritable disciple de Jésus-Christ.
Le bruit de cette rare sainteté de Thierry se répandit bientôt dans tout le royaume et vint même jusqu’aux oreilles du roi, qui portait aussi le nom de Thierry et était un des quatre fils de Clovis. Ce monarque se trouvait alors attaqué d’un grand mal aux yeux : il était menacé de perdre tout à fait la vue, sans qu’on y pût apporter de remède ; cela lui donnait beaucoup de tristesse et l’obligeait aussi, ne voyant plus de soulagement à espérer de la part des hommes, de mettre toute son espérance dans la bonté de Dieu et le secours des Saints. Dans cette pensée, il résolut d’envoyer deux de ses officiers vers le saint abbé, pour le prier de sa part de venir incessamment à la cour. Thierry, qui avait toujours préféré les douceurs de sa solitude à toutes les grandeurs du monde, crut néanmoins qu’il était de son devoir de la quitter en cette rencontre pour obéir à son souverain. Il partit donc aussitôt de son monastère et se rendit auprès du roi; celui-ci le reçut avec de grands honneurs et lui raconta l’état pitoyable où il était réduit ; il lui déclara qu’il ne lui restait plus d’espérance que dans ses prières et ses mérites, et le conjura de ne le pas abandonner dans une extrémité où toute la médecine était demeurée impuissante et d’où nulle industrie humaine n’était capable de le retirer. A ces paroles, notre Saint, qui était tout rempli de charité, mais qui savait d’ailleurs que les miracles sont les ouvrages de la main toute-puissante de Dieu, et non pas de la faiblesse des hommes, se prosterna la face contre terre ; et, élevant son esprit au ciel, il pria pendant un temps considérable. Son oraison achevée, il se leva et trempa l’extrémité du pouce dans un peu d’huile consacrée ; puis, en invoquant le nom de l’auguste Trinité, il l’appliqua en forme de croix sur les yeux du roi, qui reçut au même moment une parfaite guérison et recouvra entièrement la vue.
Aussi ne fut-il pas ingrat pour un bienfait si extraordinaire ; il rendit mille actions de grâces à Dieu, et remercia ensuite chaleureusement celui qui lui avait obtenu une faveur si considérable. Toute la cour témoigna la même reconnaissance, et le peuple poussait des acclamations de joie. Ces marques de vénération ne firent qu’augmenter l’humilité du saint Abbé. Car, croyant que c’était une chose trop au-dessus de lui de porter le même nom que son souverain, il le changea pour en prendre le diminutif, et ne voulut plus dans la suite être appelé Thierry ou Théodoric, mais Théodorion. Il eut encore beaucoup de peine à souffrir que ce monarque lui baisât les mains et lui demandât sa bénédiction avant son départ. Enfin, après toutes ces cérémonies, il fut reconduit dans son monastère ; il n’y fut pas plus tôt de retour, qu’il vit un concours extraordinaire de toutes sortes de malades attirés de toutes les parties de la chrétienté par la réputation du fameux miracle qu’il venait de faire. Et chose admirable, la plupart de ces malheureux furent bien payés des fatigues de leur voyage par le soulagement qu’ils recevaient à leurs maux. Il rendait la vue aux aveugles ; il faisait parler les muets ; il remettait les paralytiques dans le libre usage de leurs membres ; il contraignait les démons de sortir des corps des possédés ; en un mot, il n’y avait point de genre de maladie qui fût à l’épreuve du pouvoir miraculeux qu’il avait reçu du ciel.
L’historien de sa vie nous rapporte encore un grand prodige qu’il fît à la cour. Le roi faisait une estime toute particulière de la piété et des mérites de saint Remi, parce que c’était lui qui avait retiré son père, Clovis, de l’abîme de l’idolâtrie, et l’avait amené au sein de l’Eglise par la force de ses prières et par ses instructions. Voyant donc un jour la princesse sa fille, réduite à une telle extrémité qu’elle était abandonnée des médecins, il envoya à Reims pour prier ce saint prélat de la venir visiter, dans l’espérance que, s’il voulait seulement la toucher de ses habits, il lui rendrait la santé et la vie. Mais ce grand évêque était arrêté lui-même par une maladie ; il ordonna donc à Thierry, dont il connaissait parfaitement la vertu et les mérites, d’y aller à sa place. Le saint abbé, ne s’appuyant point sur ses propres mérites, mais sur la vertu de Dieu, obéit en aveugle à son prélat et se mit en devoir de partir. A peine était-il au milieu du chemin, qu’il fit rencontre d’un courrier qui lui dit que la princesse venait de mourir, et que, comme elle n’était plus en état de recevoir aucun secours, il pouvait s’épargner les fatigues du reste du voyage. Cette triste nouvelle ne fut pas capable d’arrêter le zèle de Thierry; voulant accomplir le commandement de saint Remi, il ne laissa pas de passer outre, de poursuivre sa route jusqu’à Metz, où la cour était alors. Etant arrivé, il vint d’abord au palais, où il trouva le roi et la reine qui pleuraient amèrement la perte d’une fille pour laquelle ils avaient toujours eu beaucoup de tendresse. Ayant fait son possible pour les consoler dans leur affliction, il passa à la chambre de la défunte, d’où il fît retirer tout le monde, à la réserve de deux ou trois personnes à qui il ordonna de rester avec lui. S’étant approché du cadavre, il lève les mains au ciel et y adresse ses prières dans toute la ferveur de son âme ; les ayant achevées, il prend de l’huile sainte dont il portait toujours une petite fiole sur lui ; et, à peine en a-t-il touché les principaux organes de la défunte, qu’elle reprend le mouvement, ouvre les yeux, recouvre la parole, et s’écrie tout haut qu’elle est ressuscitée par les mérites de saint Thierry. Le bruit d’un si insigne miracle se répand aussitôt dans tout le palais; le roi et la reine accourent pour en connaître la vérité ; ils se jettent aux pieds du bienheureux abbé et lui rendent leurs actions de grâce : toute la cour demeure suspendue entre l’admiration et la joie, et le peuple fait paraître la sienne par les applaudissements et les honneurs qu’il vient en foule rendre à ce grand Saint. Mais le roi, qui voulait donner, et au saint archevêque, et à son bienheureux disciple, des marques de sa gratitude et de sa magnificence royale, fit don à l’église de Reims du village de Vandières, assis sur la Marne ; à l’abbaye de Saint-Thierry, de celui de Gaugy, situé aux environs de Reims, à cette seule condition qu’ils joindraient tous deux leurs prières pour obtenir les bénédictions du ciel sur sa personne et sur son royaume. Au reste, il y a beaucoup d’apparence que cette résurrection miraculeuse de la fille du roi précéda la guérison de ce prince dont nous avons parlé ; mais nous suivons ici l’histoire de Flodoard, qui les rapporte dans cet ordre.
Si saint Thierry fut si heureux dans la cure des corps, il ne le fut pas moins dans celle des âmes ; voici un des plus remarquables effets de son zèle pour le salut du prochain. Il savait que des femmes débauchées habitaient des espèces de cavernes pratiquées dans les flancs d’une petite montagne assez proche des portes de Reims ; c’était un lieu de perdition pour beaucoup d’âmes. Sa pureté angélique ne lui permettait pas de voir, sans une extrême douleur, ce grave dommage porté au règne de Jésus-Christ ; il cherchait de jour en jour le moyen d’en avertir saint Remi. Le saint prélat, qui estimait et aimait beaucoup Thierry, le visitait souvent dans son abbaye, pour jouir de son édifiante conversation. Un jour qu’ils y allaient de compagnie et qu’ils récitaient leur office en chemin, comme ils vinrent à passer par cette montagne de malédiction, notre saint Abbé, y faisant réflexion, poussa un soupir de son cœur avec tant de violence, que la parole lui manquant, il ne put prononcer le verset qu’il devait dire à son tour. Le bon archevêque n’y prit presque pas garde à cette heure ; mais comme au retour il s’aperçut que la même chose arriva, il en fut extrêmement surpris et ne put s’empêcher de lui dire : « Mon cher frère, voici quelque chose de bien extraordinaire que, dans un même jour et au même endroit du chemin, vous soyez deux fois demeuré court à votre office, et encore au même verset, vous qui avez toujours pris tant de plaisir à chanter les louanges du Seigneur». — « Il est vrai, saint Père », répondit notre bienheureux Abbé ; « aussi cet accident ne m’est venu que de l’extrême douleur où m’ont jeté d’horribles désordres ; ils se commettent ici en ce lieu, aux portes de votre ville métropolitaine, et l’on n’y apporte aucun remède ». Saint Remi se fit aussitôt instruire de ces désordres et les arrêta : quelque temps après, ce lieu de débauche fut changé en un monastère de vierges chrétiennes.
On remarque encore dans la vie de ce saint Abbé, que, toutes les fois que le roi se trouvait en ces contrées, il ne manquait jamais de lui témoigner sa reconnaissance des grâces qu’il avait reçues du ciel par ses mérites, en allant aussi lui rendre visite dans son monastère ; c’est peut-être de là qu’est venue pour nos rois très-chrétiens la sainte coutume d’aller au sépulcre de saint Thierry, et de dîner dans son abbaye le lendemain de leur sacre.
Du reste, ce grand Serviteur de Dieu persévéra jusqu’à la mort dans la
perfection monastique, et son cœur, parfaitement dégagé des richesses et des grandeurs de la terre, n’aspira jamais qu’aux biens du ciel et à la possession de son Dieu. Il n’y a point de vertu dans l’Evangile dont il ne montrât l’exemple avant de les prêcher aux autres : sa charité était si ardente, qu’en quelque endroit qu’il allât, il y faisait du bien à tout le monde ; aussi les merveilles qu’il opérait dans la guérison des malades et dans la conversion des pécheurs étaient si fréquentes, qu’elles lui étaient devenues comme familières. Enfin, le temps arriva auquel il devait recevoir la récompense que la justice de son Juge réservait à ses travaux et à ses mérites. Il partit donc de ce monde le premier jour de juillet, l’an 533, et, si nous en croyons le premier qui a écrit son histoire, sa belle âme fut enlevée dans le ciel par le ministère des anges.
Le roi ayant reçu la nouvelle de sa mort, en fut sensiblement touché ; il se mit aussitôt en route avec la principale noblesse de sa cour, pour venir honorer la pompe funèbre de sa présence royale ; et pour donner les dernières marques de son respect et de sa gratitude envers cet illustre abbé, il voulut le porter lui-même au tombeau, se faisant assister de trois prélats d’une sainteté éminente : de saint Nicet, archevêque de Trêves ; de saint Hespert, évêque de Metz, et de saint Loup, évêque de Soissons, sans permettre qu’aucun autre touchât à son cercueil. Après la cérémonie, il demanda à Dieu que ses saintes dépouilles ne fussent jamais levées de terre qu’en présence et par le ministère d’un roi ; ce que Dieu lui a accordé.
On le représente : 1° ayant près de lui un aigle qui lui désigne l’emplacement du monastère qu’il devait fonder ; 2° guérissant le roi Thierry, menacé de perdre un œil.
Il est le patron de Reims.
CULTE ET RELIQUES.
L’archevêque Adalbéron, voulant tirer les reliques de saint Thierry du sépulcre, vers l'an 976, pour les placer en un lieu plus éminent et dans une châsse d'argent, il fut impossible de les remuer jusqu’à ce qu’un religieux du lieu, ayant donné avis de la demande que le roi Thierry avait autrefois faite à Dieu et dont il semblait qu’on voyait l’accomplissement, ce prélat alla supplier le roi Lothaire de vouloir bien se trouver à cette translation. Ce prince agréa cette prière; et, pour rendre même la cérémonie plus auguste, il voulut que la reine Emme, sa femme, et fille de Lothaire II, roi d’Italie, y assistât avec lui. Ainsi, le roi et la reine, pleins d’humilité et de foi, mirent la main au sépulcre du Saint, qu’ils levèrent sans nulle difficulté pour le mettre dans la place qui lui était destinée.
Le tombeau de saint Thierry a toujours été une source de miracles. Les fidèles le visitent avec beaucoup de dévotion, à l’imitation de nos rois très-chrétiens, qui ne manquent pas d’y aller, comme nous avons dit, après qu'ils ont reçu l'onction sacrée dans la cathédrale de Reims. Flodoard raconte qu'une pauvre femme ayant eu la témérité de travailler un samedi au soir, auquel commençait en ce temps-là la solennité du dimanche, l’instrument qu’elle tenait s’attacha si fortement à sa main qu'il était impossible de l’en séparer. Le regret de sa faute et la honte de son châtiment la firent avoir recours à saint Denis, dont les reliques avaient été transportées à Reims par la crainte des Barbares; mais, durant sa prière, ce grand Saint lui apparut avec un visage tout joyeux et lui commanda d’aller au tombeau de saint Thierry, où il l’assurait qu’elle serait délivrée de cette incommodité. En effet, après qu’elle y eut passé la nuit en oraison, le bois qui était attaché à sa main tomba de lui-même et la laissa libre : ce qui fut vu de plusieurs personnes qui étaient présentes.
En 1632, l’évêque de Châlons fit à Reims la translation du corps de saint Thierry dans une nouvelle châsse d'argent doré, en présence de la reine d’Autriche, qui était logée dans la maison abbatiale de Saint-Thierry. Cette abbaye fut réunie à l’archevêché de Reims en 1696 et supprimée en 1776. Quant aux reliques, elles furent renfermées dans une châsse de cuivre doré, en 1777, et transférées dans l’église de Saint-Thierry, où elles se trouvent encore.
P.S. Billy, conseiller et aumônier du roi et abbé de Saint-Thierry, a donné la vie de ce saint Abbé qu'il a dédiée à la reine Anne d’Autriche ; Flodoard l’a également écrite.
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